Sélection 2023 : Asmodee et le CLuBB

Les rencontres entre les distributeurs et éditeurs et notre groupe de pérégrinateurs ludiques se poursuivent mais ne se ressemblent pas. Cathy, Magali, Damien, Fabian, Nicolas, Patrice et Yannick en sont à leur troisième session, sur quasiment trois jours à chaque fois. Plus de 140 jeux passés en revue, joués, discutés, avec, comme nous l’avons vu précédemment, le fait de soupeser les entrées dans le catalogue entre ce que pensent, sélectionnent et veulent les éditeurs et distributeurs et ce que veulent, sélectionnent et pensent nos membres du comité de sélection pour le Groupement des Boutiques Ludiques. Tout cela en gardant en tête un autre équilibre entre les nouveautés et ce que nous pourrions appeler les « nouveaux classiques ». Pas évident tout ça, n’est-ce pas ?

Cette session se passe dans la région parisienne mais cette fois sur deux lieux différents pour un nouveau marathon ludique : Dans les locaux d’Asmodee à Guyancourt sur la première journée et au Centre LUdique de Boulogne Billancourt, le CLuBB où Neo Ludis, Auzou et Wilson Jeux se succéderont. Organisation, ça rime avec marathon ?

Une journée chez Asmodee

Sur la journée asmodéenne, le focus sera mis sur les nouveautés mais aussi la rencontre des nouveaux éditeurs ; nouveaux parce que nouveaux dans le métier ou nouveaux parce que nouvellement distribués par Asmodee, ou éventuellement Novalis, entité-fille d’Asmodee qui propose des services de distribution différents sur plusieurs niveaux de l’entité-mère avec 53 éditeurs distribués allant de Plan B à Matagot en passant par Arkhane Asylum, Blackbook ou 500 Nuances de Geek. Cette journée est doublée avec une journée ouverte aux médias et influenceurs ludiques pour mutualiser et maximiser les présentations des jeux à venir. Blackrock avait également groupé la présentation au GBL avec des rencontres pros.

Pour nos ludicaires, une fois encore, vient le moment de se scinder en deux groupes afin d’avoir à la fois le temps de tout voir et en même temps de playtester, autre façon de dire « je joue pour le boulot ». Et comme jouer implique généralement une forme de « gratuité », de « non-productivité économique », il est aisé de comprendre la différence qui se faufile ici, même si personne ne se fait tirer l’oreille pour le faire. Quand on vous dit que les ludicaires sont des passionné·es !

Nouveautés chez les Space Cowboys : Perspectives, un étonnant jeu d’investigation coopératif ou le profond Spellbook, Challengers 2 là où le premier vient d’être auréolé du Kennerspiel (jeu de l’année connaisseur en Allemagne), travail thématique et mécanique autour de Chinatown pour passer en mode parc d’attraction chez Repos Production ou de Reflecto chez Igiari autour de Princesse Jing. Mais la découverte également en amont du Dixit Disney (laissez-moi chanter) et des Aventuriers du Rail Legacy – Légendes de l’ouest (shut up and take my money), Un gros jeu de civilisation avec Path of Civilization chez Captain Games, ; des discussions sur la thématisation d’un jeu abstrait autour de Donuts de Bruno Cathala chez Funforge, nouvellement arrivé chez Asmodee, avec Runemaster mais aussi les questions autour de la localisation de The binding of Isaac :

« Est-ce qu’un jeu de société va marcher parce qu’un jeu est tiré d’une licence de jeu vidéo à succès ? » Pour la communication, c’est un plus, certes, mais pour que le jeu s’installe, ce n’est pas automatiquement suffisant ! Et « est-ce qu’un jeu de société va marcher en français parce que ce jeu est un succès outre-atlantique en financement participatif ? ». Là encore, aucune certitude !

Il est aussi étonnant de voir comment la présentation des jeux par des représentants ou par les éditeurs eux-mêmes implique vite des différences dans la façon de défendre le jeu.

Ainsi Kyf Edition était présent pour défendre les Toits de Paris (prise de risques) et Diferencio (jeu des différences autour de plateaux donnant la part belle à l’illustration) ; Bombyx présentait Knarr (gestion de tableau et collection malin) et Humanity (pose d’ouvriers, gestion de ressources et constructions) ; Sylex et trois jeux avec une forme de proximité mais aussi leurs particularités : Mosaic, Discordia et Amalfi pour faire chauffer les neurones ; ou enfin Fake Crystal chez Arkham Society (jeu d’enchères et de marché en économie fermée).

Pourquoi différences ? Parce qu’on sent très vite que l’éditeur a toute l’histoire autour du choix d’éditer le jeu et l’attachement qui s’en dégage, quitte à presque s’en aveugler sur le jeu lui-même. Alors qu’un représentant focalise davantage son discours autour d’arguments déjà « commerciaux », montrant que la vie du jeu commence déjà ici et maintenant.

Rassurez-vous (mais qui s’inquiétait ?), les jeux pour enfants ne sont pas oubliés avec les Unlock Kids 3, Super Miaou, Des souvenirs plein le ciel et Roule Tampouille, la localisation de Stampfarm.

Et ça débriefe, et ça débriefe… Mais toujours avec le sourire !

Et puis il y a tout-à-coup une petite surprise alors même que les jeux sur la nature commencent à sortir par les yeux tellement il y en a : Forêt Mixte, comme quoi, même en fin de journée, l’intérêt et le plaisir de jouer sont toujours là, même après 34 jeux passés en revue !

Demain, c’est plus light ? Ah non, 37 oO Bon, go ! Une bonne nuit et on repart !

Une journée au CLuBB

Du côté de Boulogne Billancourt, une autre réalité se découvre. Une réalité qui recouvre deux faits différents : Premièrement, à côté des gros groupes « Jeux de société » (relativement au marché, prisme un peu déformant à l’échelle du marché du jouets et du jeu vidéo), il y a d’autres structures plus petites ou avec une image de marque un peu plus ignorée par les joueurs et joueuses plus branchés « gros jeux » que « jeux grand public ». Et pourtant, la réalité des boutiques ludiques rencontre justement ce « grand public », joueuses et joueurs qui s’ignorent, ou occasionnels, ou dits « familiaux » et qui sont très à l’écoute de ce que conseillent et proposent les ludicaires, donnant des succès en boutiques parfois bien différents des jeux qui buzzent sur la toile ou chez les influenceurs.

Une Matinée bien remplie avec NéoLudis

Nous commençons cette deuxième journée avec la galaxie NeoLudis qu’Arnaud a construit avec les éditeurs qui l’ont suivi après Abyss. 42 éditeurs de Super Meeple à Nuts Publishing en passant par Lucky Duck Games et Agate et tant d’autres. Du coup, on bouffe de l’humain en tant que zombies avec EatZem All ou on construit sa planète avec Planet Unknown. Ecosystème Forêt et A la recherche des espèces disparues pour le côté « Nature » (stop, n’en jetez plus… ), 1920 pour cette belle collection et Now or Never pour continuer le travail de Ryan Laukat sur ses jeux.

Kids Chronicles revient mais en pas pareil et Les extravagants châteaux de Bavière dans une boîte tout aussi extravagante mais bourrée de matériel. L’étonnant Paper App Dungeon et ses carnets, tous différents, pour du Portes-Monstres-Trésors et son crayon-dé et les surprenants Le grand Voyage et Ma vie de renard par leur approfondissement du thème mais plutôt bien équilibré dans les mécaniques de jeu. A creuser !

Comme Along History en jeu de civilisation à base de cartes et de dés ou Maps of Misterra ou nous collaborons à cartographier une île mais pour en revendiquer les zones les plus prestigieuses. Enfin, Redwood et ses intrigants gabarits de déplacements et de prises de vues photographiques. Original pour le moins !

Une petite pause repas et nous enchaînons en accueillant tour-à-tour Auzou, MAD distribution et Wilson Jeux.

L'après-midi tout autant ... Auzou ... MAD Distribution ... Wilson Jeux

Auzou est un éditeur chez qui nous pouvons retrouver aussi bien des cahiers de vacances que des BDs ou des livres pour enfants sans oublier les activités manuelles. Avec une équipe, côté jeux de société, très à l’écoute des retours que leur font les ludicaires, s’est instauré un relationnel vertueux et l’on retrouve des jeux de société qui, s’ils sont assez loin des critères des joueurs et joueuses, n’en sont pas moins des jeux qui se conseillent bien et se vendent bien ( dans le sens, le « client-joueur » est satisfait et revient).

Et les auteurs ne s’y trompent pas puisqu’on retrouve Roberto Fraga avec Woop Woop ou Cyrille Leroy (Sapiens ou Fertility) avec un coopératif Memory/Domino intitulé Bouh le loup ! ou encore Frédéric Vuagnat et La course des Loutres. Viennent également un plus classique Mon premier jeu des odeurs et des couleurs ou des jeux de parcours avec lancement de dés… Mais pour beaucoup de parents qui se mettent aux jeux de sociétés, ces « classiques » d’une certaine façon sont rassurants et permettent plus facilement ensuite de faire le pas ludique suivant… Jusqu’à un Affamés par exemple, un coopératif avec une belle mise en situation pour nourrir des monstres avant que la palissade n’en pâtisse !

MAD Distribution distribue aussi bien les animes en vidéo, les produits dérivés que des jeux de sociétés avec licence comme Thorgal, Blacksad ou les Légendaires mais aussi des jeux édités comme Mage Noir ou Drones vs Goelands. Les ludicaires découvrent alors les Contes de 1001 tuiles récupéré de chez feu Holygrail Games qui, en tuiles plutôt qu’en paragraphes, évoque un peu Tales of the arabian nights avec des objectifs à remplir tout autant qu’une destinée d’aventures. Mais aussi les destinés des Marchands de Karanor ou les Karmadice sans oublier les paris du Pub de CrimeBet.

Enfin Wilson Jeux nous a proposé en véritables jeux abstraits répondant au vocable Nonaga où il faudra glisser et rassembler vos pions à votre couleur sur un terrain de jetons qui se déplacent également ou Elios qui, à la manière d’un K3, verra deux équipes s’affronter autour d’un soleil coloré.

Mais pas que : On the road vous place dans la vie d’un groupe de zicos et leur chemin peuplé de fans jusqu’à la grande scène, mais attention, les mesquineries inter-groupe émailleront votre chemin. Terminons d’ailleurs sur ce jeu minimaliste mais plein de fourberies qu’est Ruse et Trahison. Pour récupérer en premier vos 5 sceaux, il faudra ruser et trahir, et ce avec les 6 mêmes cartes en main que vos adversaires. Ce sera à vous de savoir lire leurs jeux et développer votre double-je… euh, jeu !

Concluons cette avant-dernière étape en vous faisant part d’un troisième fait étonnant que l’on constate rapidement à accompagner un groupe de ludicaires : Il y a des jeux qui ne se vendent pas du tout à tel endroit alors qu’ils explosent et convainquent ailleurs. Et comprendre à la fois sa clientèle, dans sa typologie, mais également prendre du recul sur le fait d’avoir peut-être raté un « bon jeu », une façon de le présenter ou une situation dans laquelle ce jeu est facilement à conseiller fait partie des échanges qu’ont régulièrement nos ludicaires… Car oui, vraiment, le jeu de société n’est pas un élément froid, aux caractéristiques techniques que l’on peut lister, non ! C’est un élément vivant et mouvant puisqu’il n’est rien sans ce qui lui donne corps et sens : Les humains qui y jouent !

Rendez-vous en terres nancéennes tout prochainement… Et bons jeux !

M. Guillaume