Sélection des ludicaires : Iello

Et voilà, la dernière étape du tour de France du comité responsable de la Sélection du GBL… Une étape en deux temps finalement, et avec un sprint final… digne d’ailleurs de certaines étapes du tour de France qui s’est terminé pendant la même période !

Nous voici en Lorraine, pays de la mirabelle et, oui, il est vrai, de la quiche depuis 1586 dans la maison ducale (et peut-être même avant). C’est également en cette région que nous nous retrouvons chez Iello. Cet éditeur et distributeur qui fêtera l’année prochaine ses 20 ans a commencé en 2004 donc sous le nom « cartagogo » autour de la distribution des jeux de cartes à collectionner. Quel chemin parcouru depuis, avec des jeux comme King of Tokyo bien sûr, mais également Le Roi des Nains ou Bunny Kingdom, les versions françaises de Qwirkle, Andor et bien sûr Codenames. C’est en septembre 2022 que l’entreprise aux 20 millions de chiffres d’affaires a vu Média Participations prendre une « participation significative » comme l’a indiqué le directeur général de Fleurus éditions. Voyons comment les 48 heures se sont déroulées autour de la vingtaine de jeux découverts.

48 heures chez Iello

Lorsque nous rencontrons Vincent Simonneau, directeur commercial, il nous explique comment seront organisées les différentes séances : Nous serons répartis en deux groupes d’une taille permettant plus aisément de jouer aux jeux et pris en charge à chaque fois par le chef de projet qui s’est occupé du jeu. Cela permet, pour nous, d’avoir des informations sur le pourquoi et le comment du jeu, de son développement, de ses choix éditoriaux et de son positionnement pour le prix et le public-cible. Du côté des chefs de projet, cela permet d’avoir un retour terrain fort bienvenu. En effet, dans le parcours d’un jeu, lors de son développement, il est plutôt facile d’organiser des séances de playtests et de profiter des festivals pour récolter les retours des joueuses et joueurs sur le jeu afin de le peaufiner… Mais ce temps d’échange entre ludicaires et équipe éditoriale n’est pas aussi courant que ça. Et pourtant l’expérience et la façon d’analyser un jeu n’est pas la même lorsque nous y jouons (expérience joueurs) et lorsqu’il s’agit de le vendre (expérience clients). Et les échanges qu’il y a eu montrent bien qu’il y a tout à gagner à regarder l’objet « jeu » pendant son développement par différentes lorgnettes, différents points de vue qui enrichissent les réflexions autour de ce dernier, de son matériel, de son prix, de la façon dont on peut le « pitcher » facilement, etc.

Par exemple, dire d’Inside Job qu’il est un « The Crew avec un traître » nous permet d’avoir directement l’aspect Jeu de plis, identités secrètes et un côté un peu mission avec chacun de ses identités. Mino Dice, c’est un « Skull King avec des dés ». Bien sûr, il ne faut pas non plus être trop enfermant au risque de passer à côté du sujet. Quoi qu’il en soit, toutes ces discussions sont passionnantes lorsque l’on s’intéresse aux jeux de société au-delà des parties qu’un jeu nous propose.

Pour entrer plus avant dans les découvertes, nous avons également joué à Ancient Knowledge mais le coup de cœur a été tel que nous vous en avons réservé un article à part entière à retrouver sur ce site pour en savoir plus.

Essen dernier avait largement frémi à la sortie de Ready Set Bet et nous voilà à y jouer et voir que l’ambiance folle des paris sur les courses de chevaux et des actions en simultané ne sont pas forcément au goût de tous mais qu’il est certain que l’ambiance est assez fifolle et originale pour être remarquée.

Après My City, voici My Island… Et les débats du “comment s’est vendu et a été apprécié le premier jeu de ce format? Et quels sont les débouchés pour un deuxième titre ? Est-ce que le nom de l’auteur Reiner Knizia est encore suffisant pour intéresser plus qu’une poignée d’irréductibles joueuses et joueurs lors même que les jeux ne sont parfois regardés que par « la nouveauté » ? Docteur Knizia que l’on retrouve également avec Potage Sauvage pour un jeu de plis avec des paris… A vous de savoir ce que vous plongerez dans la gamelle.

Ah oui, si vous avez lu les autres articles de cette série, vous l’attendiez : le jeu avec des cartes, des numéros et des couleurs. Ici, c’est Gap.

Jeux en solitaire ... ou en groupe ...

Tiens, un autre coup de cœur, intrigant et passionnant : Eila et l’éclat de la montagne. Et les discussions qui vont avec là encore : Comment va-t-on présenter et vendre un jeu qui se joue principalement en solitaire, en campagne (des histoires et scénarios qui se suivent pour arriver à différentes fins possibles) autour d’un deckbuilding à 45€ ? Côté joueur, j’avais envie de repartir avec la boîte sous le bras. Côté ludicaire, j’aurais envie de croire qu’il suffit de trouver le jeu passionnant, la mécanique en plus à chaque scénario intrigante et l’univers et ses fins poignantes pour que la passion se transmette et le jeu se vende… L’avenir nous le dira !

Une nouvelle gamme pour les jeux ambiance légère/tsoin-tsoin démarrera avec deux titres : « Personne n’a testé ce truc ? » et « Amis de merde » et là encore, de remarquer qu’il y a des réalités, des typologies de marchés différentes… Bien plus qu’on ne pourrait le croire au premier abord.

Guilty, dans un milieu carcéral et une ambiance lourde, propose un jeu d’enquête où, de façon habituelle, nous répondrons à des questions en fin de partie pour voir ce que nous en avons compris et déduit mais où la notion de temps amènera des fins différentes à notre enquête… Surprenant…

Comme Feed the Kraken qui, se jouant jusqu’à 11 joueurs, permet, dans ce jeu à rôle caché de vivre une vie de pirate, de marins infiltrés voire de cultistes.

Enfin, du puzzle game « brainy » avec Flip Circus, du puzzle tout court avec la gamme des très jolis Puzzle Play, des jeux de cartes classiques mais traités, illustrativement, avec un soin et une recherche pour être présents sur d’autres marchés…

N'oublions pas les enfants

Enfin, non, pas vraiment ! Il ne faudrait pas oublier les jeux enfants avec le travail éditorial fort que mène Loki dans cet optique. Hop Hop Joey, avec un aspect « jouet » aussi, permet une relation ludique autour du jeu à partir de 2 ans autour de cette histoire entre un bébé kangourou et sa maman à la poche. Fluffy Valley, de son côté, rappelle dans le soin apporté au développement du jeu Kraken Attack : un coopératif où l’ergonomie au service de l’histoire et des règles amènent un jeu où même les adultes ayant gardé leur âme d’enfant prendront plaisir à plonger les chiens de prairie dans les différentes galeries pour aménager leur terrier afin qu’il soit confortable à l’approche de l’hiver. Choupinou-choupinesque !

Ajoutons à ces moments de travail le plaisir de l’échange moins formel autour des repas, d’un bowling, le côté chaleureux des rencontres des uns et des autres, que ce soit du côté des entrepôts, des commerciaux, etc… Et le tour est joué !

La fin ? Pas tout à fait

Euh… Le tour est joué, c’est vite dit ! Suivaient ensuite, pendant encore deux jours et pour les derniers vaillants marcheurs et marcheuses, les ultimes rencontres pendant le festival de Paris est Ludique. Un enchaînement vaillant s’il en est pour aller voir Matagot ou d’autres éditeurs, plus petits ou qui n’avaient pu être présent dans les précédentes rencontres et vous imaginez bien comment la tête se met à résonner après qu’il faille faire le tri entre toutes ces tonnes d’informations à traiter, évaluer, soupeser pour finalement établir la liste qui entrera dans la Sélection du GBL

Et si, pour conclure, nous reprenons finalement notre parcours, voilà à grands traits ce qu’il y a derrière la Sélection et que nous avons essayé de vous faire toucher du doigt par cette série de 4 articles : une réflexion et un équilibre entre « nouveaux classiques » et « nouveautés » ; un travail en réseau avec les partenaires éditeurs et distributeurs pour faire le lien entre leurs réalités éditoriales et la réalité des boutiques du GBL ; la prise en compte des réalités et typologies diverses des clientes et clients, qui ne sont pas tous et toutes les joueuses et joueurs que l’on lit et retrouve sur les réseaux sociaux, un ensemble de joueurs et joueuses qui ne sont pas toutes et tous tel que le montre une autre réalité, celle des influenceurs et influenceuses, même si les frontières sont poreuses, bien sûr ! Et se réapproprier cette richesse, ces différences, goûter à la pluralité du monde ludique et ces différentes facettes… Voilà tout ce que vous pourriez toucher du doigt lorsque vous parcourrez les pages de la Sélection du GBL.

M. Guillaume