Notre métier de ludicaires consiste à dénicher les pépites ludiques qui vous raviront et enrichiront notre sélection. Cette année notre commission était accompagnée de Monsieur Guillaume. Il vous parle cette fois d’une de ses découvertes de la fin d’année : Heredity.
Un jeu de Jerome Cance et Laurent Kobel
Illustré par Tania Sanchez-Fortun et Aurélien Delauzun
Edité par Darucat
Je m’intéresse au parcours d’Heredity depuis que j’ai croisé le jeu lors du concours du FLIP de Parthenay en 2021. Depuis j’ai croisé la route de l’éditeur : Darucat, sur tous les salons où je me suis rendu. En deux ans, le jeu a beaucoup évolué et s’est affiné. Suite aux retours des professionnels et des joueurs, l’équipe a corrigé, simplifié et modifié le jeu. Aujourd’hui, Heredity est un jeu de coopération narratif extrêmement riche, mais dans lequel il est facile de rentrer. L’ergonomie, l’iconographie, les règles, tout a été soigneusement édité dans le but de rendre ce jeu « Initié » accessible, sans le dénaturer. Car Heredity a gardé ce qui pour moi faisait sa force, sa colonne vertébrale : sa time line ! Une idée géniale qui vous plonge dans l’histoire, vous permet d’anticiper les choses sans les subir pleinement et qui rythme vraiment les parties.
Damien, Sortilèges Nantes
Post-apocalyptique, narratif, coopératif, en campagne en plusieurs chapitres, voici les premiers mots-clés qui caractériseront Heredity, un jeu de Jerome Cance et Laurent Kobel édité par Darucat et illustré par Tania Sanchez-Fortun et Aurélien Delauzun.
Heredity appartient à ces jeux qui, peu ou prou, participent à la conquête d’un graal ludique : Un parfait mélange entre jeu de société et jeu de rôle. Nous ne prétendrons pas que la quête est achevée mais l’ensemble des mécanismes mis au service de la narration, de l’évolution des personnages, de leurs expériences et de l’histoire, au moyen de cartes diverses mais utilisées ingénieusement crée une expérience plus que satisfaisante : Motivante !
Dans un univers où l’IA n’a pas été d’un grand secours pour l’humanité mais bien plutôt responsable de son effondrement, cette dernière, passant par différentes phases en fonction des humains autour, semble avoir un dessein bien particulier. Les survivants à l’effondrement ont essayé de s’organiser pour survivre et vous allez d’ailleurs prendre en main le destin des membres de cette famille et découvrir différents clans et leurs objectifs dans ce monde en perdition tout autant qu’en reconstruction : technocrates, scavengers et autres adorateurs. Et vous vous rendrez compte que si certains se sont mis en quête des dernières avancées technologiques encore en état de fonctionner, d’autres se sont réfugiés dans des croyances ancestrales.
C’est autour d’un deck principal de cartes que tout va se passer : Mise en place, personnages, plateaux, histoires, quêtes annexes, adversaires… Tout est là ou presque et il n’y a qu’à se laisser prendre en main pour glisser dans le jeu et l’aventure. Attention, tout ne se résume pas non plus à retourner des cartes, lire et rebelote. Non ! Vos personnages, eux-mêmes représentés sous la forme d’un ensemble de cartes, agissent suivant leurs icônes (observer, manipuler, discuter…) et les jetons que vous y apposerez via un système d’ancrage par demi-icônes correspondantes. Un changement, un équipement ou une blessure et une carte se retourne ou vient s’ajouter ou se superposer sur la carte initiale et ainsi modifier votre potentiel d’action ou le terrain. Par exemple, une explosion se produit dans la cuisine, on vous demande de retourner la carte pour découvrir le chaos laissé par le souffle en même temps que la disparition ou l’apparition de nouvelles icônes indiquant rapidement et facilement les nouvelles actions possibles.
Et tout a été pensé, testé, déployé pour renforcer à la fois une prise en main dynamique en restant au service de l’aspect narratif. Vous pourrez discuter et interroger de différentes façons. Les personnages, de tel ou tel clan, ne se comporteront pas avec vous de la même façon suivant votre réputation, elle-même consécutive à vos actes…
Dernier élément mécanique d’importance : la Ligne de Temps. Dans cette dernière se trouve la carte Famille qui indique à quel moment vous reprenez la main et agissez tout autant que les cartes narratives. Une fois encore, les icônes d’ancres de couleur permettent d’exploiter l’espace aussi bien que le temps. En effet, les événements, ennemis, bruits inquiétants, tout va venir s’accrocher en dessous de telle carte, ou entre deux cartes, modifiant ainsi la temporalité des événements… Et là encore, les cartes peuvent se retourner, en appeler d’autres suivant des déclencheurs… Bref, réserver des surprises et amenant fluidement les joueuses et joueurs à la découverte de ce qu’il se passe, des conséquences de leurs actions et de la suite de l’histoire.
Terminons par les cartes Karma, un paquet de cartes qui lui aussi se modifiera pendant votre campagne et qui, ainsi, gardera en mémoire vos choix et actes. Ces derniers auront donc à la fois un impact à court terme par les effets de ces cartes, et à long terme sur la façon dont ce deck, globalement, sera construit et induira les conséquences de vos actes. Bien vu !
Ce qui surprend dans Heredity, c’est la fluidité avec laquelle tout cela s’agence. Le développement, les playtests, on sent que tout a été réfléchi et fait pour arriver à ce résultat. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça fonctionne. Ca fonctionne même très bien ! Les joueuses et les joueurs se prennent au jeu, attendent d’en savoir plus et enquêtent, arpentent les terrains silencieusement (ou pas) et agissent pour s’équiper, comprendre ce nouveau monde qui les entoure, monter en expérience et, suivant les choix faits par la famille, s’orienter vers telle ou telle fin de l’histoire. Alors certes, il n’y a pas l’entière liberté du jeu de rôle, les mécanismes sont bien ceux d’un jeu de société, mais l’ensemble nous porte dans l’aventure et son déploiement, bien tressés. Et si Heredity n’est pas le jeu universel, que ce soit par son ambiance apocalyptique, par ses choix éditoriaux ou autres, il marque clairement pour son développement poussé. Nous espérons avoir d’autres aventures avec ce système.
